L'essor du télétravail a provoqué une augmentation considérable du recours aux outils de contrôle de l'activité des salariés. Enregistrement des frappes du clavier, allumage de la webcam en permanence, surveillance des mails : comment le contrôle de l'activité du salarié est-il régulé ?
Lors du premier confinement, l’intérêt des entreprises pour les systèmes de surveillance à distance a été multiplié par 500. Et près d'un salarié sur deux serait surveillé par son employeur. Tour d'horizon des pratiques plus ou moins légales des entreprises avec Maître Odile Blandino, avocate en droit social.
L'employeur peut-il mettre en place un outil de contrôle de l'activité des salariés ?
Oui. L'employeur doit en informer le CSE et les salariés. Il doit aussi déclarer ces outils au registre des activités de traitement, [un document de recensement écrit visant à documenter la conformité du traitement des données]. L'outil utilisé doit être proportionné au but recherché et avoir un objectif défini, comme par exemple, contrôler le temps de travail du salarié à distance. À titre d'exemple, le badgeage virtuel est autorisé car il permet de vérifier les horaires du collaborateur.
Qu'est ce qui est considéré comme illégal en matière de surveillance des salariés à distance?
La surveillance constante, permanente et donc disproportionnée du salarié est interdite. Imposer au collaborateur de travailler en permanence avec sa webcam allumée, l'obliger à cliquer régulièrement afin de manifester sa présence à son poste de travail, réaliser des captures d'écran à distance à intervalle aléatoire, enregistrer l'activité des clavier et souris (keyloggers) ou encore prendre en photo le salarié sont des pratiques interdites. Il s'agit d'un exercice abusif du droit de contrôler l'activité du salarié, pouvant causer des préjudices liés à l'atteinte à la vie privée.
L'employeur peut-il obliger le collaborateur à allumer sa caméra en visio ?
Non. Selon la CNIL, "son activation doit en principe être laissée à l’appréciation des salariés dans la mesure où, dans la plupart des cas, une participation via le micro est suffisante". L'instance de régulation précise néanmoins que "dans certains cas particuliers tels qu’un entretien RH, une rencontre avec des clients extérieurs ou la présentation de nouveaux arrivants, l’employeur peut imposer le déclenchement de la caméra". La CNIL suggère par ailleurs l'usage du floutage de l'arrière-plan lors des visioconférences, pour mieux protéger la vie privée des collaborateurs.
L'employeur peut-il accéder à l'ordinateur et au téléphone professionnels des collaborateurs ?
Oui, car ces outils sont utilisés dans le domaine professionnel. L'employeur a aussi le droit de lire les mails pro des collaborateurs. Si un salarié échange à des fins privées via sa boîte personnelle, il doit indiquer la mention "privé" ou "personnel" dans l'objet du mail pour s'assurer de la confidentialité de ses messages.
Quels sont les risques qu'encourt l'employeur en cas de non-respect des règles en matière de surveillance ?
Si le salarié fait appel à la CNIL, l'instance peut mettre en demeure l'employeur ou lui infliger une amende. D'autres sanctions peuvent cibler les logiciels aux fonctionnalités illégales. Le collaborateur peut aussi saisir le conseil des prud’hommes et obtenir des dommages et intérêts au titre des préjudices subis du fait des conditions d’exécution de son contrat de travail générant un contrôle illégal, ainsi qu’éventuellement l’atteinte à sa santé (stress, anxiété...).
Le collaborateur a-t-il un droit de regard sur les informations récoltées ?
Oui, d'après le RGPD, le règlement général sur la protection des données, les collaborateurs doivent avoir accès à leurs données et pouvoir s’ils le souhaitent les faire rectifier.
En cas de litige, l'employeur peut-il utiliser les informations obtenues contre le collaborateur ?
Si les outils utilisés par l'employeur sont régulés, proportionnés et ne conduisent pas a une surveillance anormale du salarié, les éléments recueillis pourront être utilisés contre le salarié. Il faut bien pouvoir prouver un abandon de poste en télétravail : si le collaborateur ne se connecte jamais, l'employeur pourra s'appuyer sur ses données liées à sa connexion pour le prouver. En revanche, les éventuelles informations obtenues illégalement par l'employeur ne peuvent pas être utilisées contre le salarié.