Logiciels espions, enregistrement des frappes de clavier, captures d’écran; si les techniques - plus ou moins légales - de surveillance foisonnent, les abus restent difficiles à prouver pour les collaborateurs en remote. Les syndicats sont en alerte.
Les méthodes pour savoir si les équipes sont bien au travail ne manquent pas, du voyant "connecté" sur la messagerie professionnelle aux logiciels espions. Lorsque ces derniers sont installés sur les ordinateurs des employés, rien ne peut leur échapper grâce à des techniques comme l'enregistrement des frappes du clavier ou encore des captures d'écran envoyées au supérieur toutes les cinq minutes.
Les confinements ont dopé l'activité des sociétés spécialisées dans ce domaine au niveau mondial. L'une d'elles, l'américaine Hubstaff, revendique sur son site internet près de 600.000 clients actifs dans le monde. Et en France? Ces logiciels sont illégaux, car non conformes au règlement sur la protection des données (RGPD).
Quant aux dispositifs conformes au RGPD, "l'employeur a l'obligation d'informer les employés" au moment de leur installation, rappelle Xavier Delporte, directeur de la recherche à la Commission nationale informatique et libertés (Cnil). Et "tout est une question de proportionnalité" dans leur utilisation.
Parmi ces dispositifs, par exemple, "le filtrage d'accès à certains sites internet, pour des questions de sécurité, ne doit pas dévier vers une vérification systématique des sites fréquentés par l'employé", rappelle M. Delporte.
La Cnil indique que "les plaintes concernant les outils de surveillance informatique à distance sont rares". En 2021, "moins de dix" plaintes à ce sujet ont été déposées par des salariés auprès du gendarme des données personnelles.
La plupart des plaintes enregistrées par la Cnil ("plus de 80%") concernent "la vidéosurveillance classique" sur le lieu de travail, et non un usage malveillant de logiciels espions ou de webcam allumée en secret, indique Xavier Delporte. Et parmi les 20% restants, une partie concerne la géolocalisation des véhicules de société.
Les syndicats n'en ont pas moins dans leur ligne de mire le caractère secret des logiciels espions, conçus pour être indécelables par les salariés. "Ces moyens sont tellement intrusifs et discrets que certains ne sauront jamais qu'ils sont surveillés", pointe Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT des cadres (Ugict-CGT).
Elle évoque aussi des méthodes de surveillance plus classiques, comme les appels intempestifs du supérieur ou les reproches aux salariés lorsqu'ils n'apparaissent pas "connectés" pendant les heures de travail.
Pour Bertrand Mahé, délégué national confédéral à la CFE-CGC, la "tentation" d'espionner ses équipes traduit avant tout un management défaillant. "Il existe certainement des dérives du côté des salariés, mais elles sont tout aussi rares que dans le management", affirme-t-il.
Le syndicaliste relativise l'ampleur de la "culture de la surveillance", plus courante à ses yeux dans de petites entreprises compte tenu de la taille réduite des effectifs et du manque de connaissance de la loi.
Quoi qu'il en soit, toutes les méthodes permettant d'attester que le salarié est concentré à sa tâche sont trompeuses, selon Bertrand Mahé, qui souligne que "le lien entre heures de présence et efficacité est loin d'être prouvé".
"Le contrôle des salariés est contre-productif, et risque surtout de répercuter le stress du manager sur ses équipes", assure-t-il. Pour lui, c'est une pratique à rebours de "l'augmentation de la productivité" des salariés telle que mise en avant par les développeurs de logiciels espions.
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